Ouverture sensorielle : un instant suspendu

🌌 Ouverture sensorielle : un instant suspendu

Extrait de Si la mer se meurt

« Une nuit. Une rue sans nom. Une fatigue qui colle. Il avancera. Pas vite. Pas lentement. Il avancera. Et là, au détour – Bouddha.
Pas une statue. Pas un bibelot à encens. Un vrai.
Mais pas de chair. Ni d’os. Plutôt une présence translucide, comme sculptée dans l’eau claire. »

Il était là. Devant moi. Non pas un corps, mais quelque chose d’approchant. Un soupçon de corps. Traversé de lumière — rouge, verte, bleue. Elle glissait sur lui comme le vent sur une flamme. Ne touchait rien. Épousait tout. Dans son passage, elle laissait une trace. Légère. Un frémissement, comme une buée.

✨ Quand une vision surgit

Les visions ne me visitent pas souvent. 2002. 2010. 2015. Des éclats, des exceptions. Mais cette fois, ce fut différent. Comme une naissance dans la tête. Une apparition sans bruit. Une lumière qui s’allume toute seule. Le moment juste. Celui qu’on n’attend pas, mais qu’on reconnaît.

Et au fond, peu importe ce que j’ai vu. Un bouddha ? Une fleur ? Une présence ? Ce qui compte, c’est le désir immense qu’il reste. Qu’il ne disparaisse pas. Qu’il ne se noie pas dans la routine. Qu’il ne glisse pas dans l’oubli.

🌱 Laisser vivre la lumière

J’ai voulu le garder. Le protéger de ma distraction. L’ancrer contre le vent de l’habitude. Au lieu de fuir, j’ai ouvert plus grand. J’ai tenté de prolonger cette beauté comme on retient une respiration rare.

Car c’était beau. Et fort. Une beauté sans bruit. Une force sans geste. Fruit d’un effort patient. Silence. Concentration. Cette image portait en elle la clarté d’un éveil.

🌊 Traverser les apparences

Parfois, il faut oser croire. Même une hallucination, si elle naît de la paix, mérite d’être écoutée. Jadis, j’aurais biffé ce passage. Trop bizarre. Trop incertain. Mais plus aujourd’hui.

Aujourd’hui, je sais qu’on peut être brisé. Effacé. Remplacé. Et pourtant nourri. Par des choses fragiles. Des fragments. Des mystères.

Depuis 2007, l’enseignement du Bouddha m’accompagne. Silencieux. Discret. Il éclaire les coins oubliés.

Ce n’était pas un bouddha de chair. Mais l’inattendu, venu m’effleurer. J’ai voulu qu’il reste. Qu’il imprime son passage jusque dans mes cheveux. Je respirais sa lumière. Je buvais sa forme.

🌀 Un secret, une cassure, une lumière

Avant, j’étais là. Absent. Comme si rien ne me concernait. Puis un jour, tout s’est fendu. Une cassure dans le mur. Une lumière a passé.

Je vivais avec un homme italien. J’étais seul. Je dormais. Un frisson ? Une lumière ? Quelque chose m’a tiré du sommeil. J’ai ouvert les yeux sur une brèche. Une absence de langage. Une musique d’un autre monde. Et dans cette faille : lui. Le bouddha. Ou son image. Ou sa grâce.

J’ai voulu qu’il dure. Mais je n’ai pas su. La concentration a fléchi. Une pensée est venue. Une toute petite. Et déjà, l’image reculait.

J’ai compris : ce serait mon secret. Et ce secret ne m’a jamais quitté.

J’ai connu la douleur. Celle de la maladie mentale. Mais j’ai écrit. Même dans la tempête. Même au creux des crises. L’écriture m’a permis — peut-être — de rester debout. Ou bien… peut-être que je n’ai pas fui la folie. Peut-être que j’ai seulement écrit plus loin en elle. En me laissant traverser par cette énergie commune, celle qui porte nos peurs et nos espoirs. Et si la folie portait, parfois, les graines d’un éveil ?

📖 Ce moment m’a bouleversé. Il est raconté dans Si la mer se meurt.